Petit guide du washing đŸ§Œ

Petit guide du washing đŸ§Œ

Vous avez probablement dĂ©jĂ  entendu parler du greenwashing, ce coup de pinceau vert utilisĂ© par les marques pour redorer leur image et ĂȘtre perçues comme â€œĂ©coresponsables”. Mais Ă  quel point ĂȘtes-vous capable d’identifier ce phĂ©nomĂšne ?

Dans cet article, je vous dis tout sur l’écoblanchiment – dans sa traduction française – et la myriade de petits frĂšres et sƓurs qui l’ont succĂ©dĂ© : pink washing, woke washing, feminism washing, ODD washing


En les recensant, mon objectif est de les dĂ©finir pour vous offrir un guide dans lequel replonger Ă  tout moment. Que vous soyez tĂ©moin ou concepteur d’une action de communication qui vous interroge, vous trouverez ici des rĂ©ponses pour exercer un regard Ă©clairĂ© et critique sur la question.

Le terme greenwashing est apparu dans les annĂ©es 80 suite Ă  une vĂ©ritable histoire de lavage de serviettes
 L’écologiste new-yorkais Jay Westerveld utilisa le terme pour la premiĂšre fois dans un essai accusant l’ironie de l’industrie hĂŽteliĂšre prĂ©tendant sauver la planĂšte en lavant moins de serviettes de bain. Vous vous souvenez de l’écriteau de votre chambre d’hĂŽtel qui disait “ProtĂ©gez l’environnement en utilisant votre serviette de bain plusieurs fois” ? C’est lĂ  que tout a commencĂ© ! Effectuer moins de lavages permet en effet d’utiliser moins de ressources, mais le rĂ©el impact de cette dĂ©marche sert surtout aux groupes hĂŽteliers Ă  faire des Ă©conomies en frais de blanchisserie.

La sociĂ©tĂ© Ă©volue et le washing aussi. Pour rester dans l’air du temps et toucher les gens, les marques suivent les Ă©volutions sociĂ©tales : fĂ©minisme, body positivisme, fluiditĂ© de genre, mouvement Black Lives Matter
 De nouvelles opportunitĂ©s de prise de parole pour les entreprises qui sont problĂ©matiques lorsqu’elles se limitent Ă  ĂȘtre intĂ©grĂ©es uniquement dans un discours publicitaire, sans jamais se concrĂ©tiser.

Chaque type de washing, classĂ© ci-dessous par ordre alphabĂ©tique, est dĂ©fini et accompagnĂ© d’exemples et ressources. Si certaines actions sont volontairement initiĂ©es dans le but de tromper, d’autres, j’en suis convaincue, relĂšvent d’une maladresse et d’un manque de conscience des problĂšmes sociĂ©taux actuels. D’oĂč la nĂ©cessitĂ© d’en parler et de conscientiser.


FĂ©minisme washing (ou femwashing, purple washing)


DĂ©finition :

Dans le livre Féminisme Washing. Quand les entreprises récupÚrent la cause des femmes, la journaliste Léa Lejeune propose la définition suivante :

"Le féminisme washing correspond à l'ensemble des pratiques de communication et de marketing utilisées par les entreprises pour faire croire qu'elles sont féministes, qu'elles respectent l'égalité hommes femmes, alors qu'en interne, elles n'ont pas fait le travail pour changer leur production ou mieux traiter les femmes salariées."

Exemples :

👗 L’enseigne de prĂȘt-Ă -porter CamaĂŻeu et sa campagne de sensibilisation sur les violences faites aux femmes a rĂ©cemment fait polĂ©mique. Sur son e-shop, les mannequins arboraient un visage tumĂ©fiĂ©, avec le message “1 femme sur 10 est victime de violences”. Un message maladroit et brutal qui glamourise la violence auprĂšs de ses victimes plutĂŽt que de la combattre auprĂšs des bourreaux. Largement critiquĂ©e, cette campagne s’assimile Ă  une rĂ©elle recherche de buzz.

🍟 À plusieurs reprises, McDonalds a retournĂ© son logo “M” en “W” – comme women – Ă  l’occasion de la journĂ©e internationale des Droits de la Femme, “en l’honneur des accomplissements extraordinaires des femmes, et notamment dans nos restaurants.” Un acte de mauvaise fois pour une entreprise qui paie plus souvent les femmes au salaire minimum que les hommes et qui a Ă©tĂ© accusĂ©e de discriminations sexistes Ă  plusieurs reprises.


Aller plus loin :

Greenwashing


DĂ©finition :

L’ADEME, Agence de la transition Ă©cologique en France, dĂ©finit le greenwashing comme l’utilisation “d’un message pouvant induire le consommateur en erreur sur la qualitĂ© Ă©cologique rĂ©elle du produit ou sur la rĂ©alitĂ© de la dĂ©marche de dĂ©veloppement durable”.

Les mauvaises habitudes les plus courantes qui transforment l’usage de l’argument Ă©cologique en abus sont les suivantes : communiquer un mensonge, faire une promesse disproportionnĂ©e, avoir recours Ă  des mots vagues, fournir des informations insuffisantes, dĂ©peindre des images trop suggestives, utiliser un faux label, manquer de preuves, ou encore mettre en avant une fausse exclusivitĂ©.

Exemples :

💾 La filiale amĂ©ricaine de BNP Paribas Fortis, Bank of the West, s’est rĂ©cemment vantĂ©e de la durabilitĂ© de ses investissements en mettant en avant le message “Si votre banque finance le forage dans l’Arctique, alors vous aussi”. Cette affirmation est erronĂ©e puisqu’on sait que la maison mĂšre est impliquĂ©e dans des projets en Arctique : elle aurait financĂ© 39 milliards de dollars en 2020 aux industries fossiles et plus de 100 milliards entre 2016 et 2020.

🧃La derniĂšre publicitĂ© de la marque de jus de fruits Innocent aux Royaume-Uni a Ă©tĂ© interdite car jugĂ©e trompeuse et mensongĂšre. Dans le spot vidĂ©o, Innocent affirme que l'on “rĂ©pare la planĂšte” en achetant ses produits conditionnĂ©s dans des bouteilles en plastique. MĂȘme si l’entreprise garantit que 70 % de ses bouteilles seront recyclĂ©es d’ici 2023, elle induit les consommateurs en erreur en les laissant croire volontairement qu'ils font du bien Ă  la planĂšte en achetant du jus – dont les fruits proviennent des quatre coins du globe.

Aller plus loin :

ODD washing (ou SDG washing)


DĂ©finition :

Les ODD renvoient aux Objectifs de DĂ©veloppement Durable des Nations Unies, eux aussi sont proient au fameux washing.

L’ODD washing consiste Ă  utiliser les logos des ODD ou Ă  les mentionner dans sa communication comme une “vitrine de bonnes actions pour la planĂšte”, sans dĂ©ployer de rĂ©els actes au bĂ©nĂ©fice de la sociĂ©tĂ©. Ne mettre en avant que les externalitĂ©s positives de son entreprise, en masquant les cĂŽtĂ©s nĂ©gatifs, est aussi considĂ©rĂ© comme de l’ODD washing.

Exemples :

👕 Depuis 2006, la marque de prĂȘt-Ă -porter Uniqlo est partenaire de l’Agence des Nations Unies pour les rĂ©fugiĂ©s (UNHCR) pour “donner aux rĂ©fugiĂ©s les moyens de prendre en main leur propre avenir.” GrĂące Ă  ce projet, Uniqlo participerait Ă  pas moins de 7 objectifs de dĂ©veloppement durable. LĂ  oĂč le bĂąt blesse, c’est qu’Uniqlo est aussi accusĂ© d’avoir profitĂ© du travail forcĂ© d’OuĂŻghours en Chine. L’enseigne est actuellement dans le viseur de la justice française qui a ouvert une enquĂȘte pour recel de crimes contre l’humanitĂ©.

🚘 L’industrie automobile illustre aussi trĂšs bien l’ODD washing. Prenons ici l’exemple de Volkswagen – notez que ce cas s’applique aussi aux autres marques de voiture – qui a identifiĂ© l’ODD 13 sur l’action climatique comme un objectif prioritaire Ă  dĂ©ployer Ă  travers une stratĂ©gie de dĂ©carbonation. Celui-ci se concrĂ©tise notamment par le dĂ©veloppement des voitures Ă©lectriques. Le problĂšme est double, d’une part les batteries de ces voitures nĂ©cessitent l’extraction de cobalt, un procĂ©dĂ© gourmand en Ă©nergie issue de ressources fossiles. D’autre part, l’extraction de ce mĂ©tal fait obstacle Ă  l’ODD 16 sur la paix et Ă  l’ODD 8 sur le travail dĂ©cent car ce cobalt provient principalement de RDC, zone Ă  risque en matiĂšre de minerais alimentant les conflits.

Aller plus loin :

Purpose washing


DĂ©finition:

La notion de “purpose” se traduit par la "raison d’ĂȘtre” d’une marque. Dans le jargon marketing, il s’agit d’une “bonne cause” qui est censĂ©e faire avancer les employĂ©s et les activitĂ©s d’une entreprise dans une mĂȘme direction. Le concept a largement Ă©tĂ© popularisĂ© par Simon Sinek, l’auteur du Ted Talk et du livre “Start with Why.”

Le purpose washing, c’est quand une marque revendique son engagement pour une cause sociale de maniùre opportuniste, sans que cet engagement ne se traduise dans des actions concrùtes.

Le terme englobe d’autres types de washing plus spĂ©cifiques tels que le pink, woke et rainbow washing dĂ©finis ci-dessous.

Exemple :

đŸȘ’ Pendant des annĂ©es, la Gillette a promu la masculinitĂ© en mettant en avant des mĂąles alpha accompagnĂ©s du slogan “La perfection au masculin” (en anglais “The best man can get”). Puis en 2019, Ă  l’apogĂ©e du mouvement #MeToo, la marque a modifiĂ© son discours dans un spot tĂ©lĂ©visĂ© clivant, Ă  contre-courant de ce qu’elle a toujours fait dans le passĂ©. Le slogan en anglais a Ă©voluĂ© en “The best man can be” que l’on peut plus ou moins traduire par "ce qu’il y a de meilleur dans un homme." Gillette met dĂ©sormais en avant les attitudes positives Ă  entreprendre en tant qu’homme pour s’opposer Ă  la virilitĂ© toxique. Ce virage Ă  180 degrĂ©s a Ă©tĂ© Ă  la fois applaudi pour son audace et critiquĂ© pour son manque de crĂ©dibilitĂ© comme son cĂŽtĂ© moralisateur (voir l’analyse complĂšte du cas proposĂ©e par Marketing Mania).

Aller plus loin :

Pink washing (ou rainbow washing)


DĂ©finition :

Il existe deux usages diffĂ©rents du pink washing, le premier fait rĂ©fĂ©rence Ă  la lutte contre le cancer du sein et le second aux droits des personnes LGBTQ+. Pour ce dernier, la notion de rainbow washing est plus communĂ©ment utilisĂ©e en rĂ©fĂ©rence au drapeau aux couleurs de l’arc-en-ciel de la communautĂ©. Notez que je dĂ©finis ce cas de washing au prochain point, je ne m’attarde donc ici que sur le pink washing relatif au cancer du sein.

Le terme de pink washing a Ă©tĂ© inventĂ© en 2002 par la Breast Cancer Action, une association amĂ©ricaine de patientes souffrant du cancer du sein, pour dĂ©signer les campagnes des entreprises qui utilisent cette maladie comme levier marketing. Le pink washing dĂ©crit l’utilisation (abusive) de la couleur rose par une entreprise pour Ă©voquer son soutien aux personnes souffrantes et Ă  la recherche. Malheureusement, dans les faits, l’investissement des entreprises est inexistant ou simplement motivĂ© par des ambitions commerciales.

Exemple :

🍗 La palme d’or de la maladresse en matiĂšre de pink washing revient Ă  la chaĂźne de fast-food KFC qui, en 2010, a commercialisĂ© une Ă©dition spĂ©ciale de son fameux “chicken bucket” teintĂ©e de rose et dĂ©nommĂ©e “Bucket for the Cure” (“un seau de poulet pour la guĂ©rison”). Qui a pu avoir l’idĂ©e de mettre une couche de rose sur du poulet frit pour sensibiliser au cancer – un aliment tout sauf sain ; quand on sait que le surpoids peut ĂȘtre liĂ© au dĂ©veloppement du cancer du sein ?

Aller plus loin :

Rainbow washing (ou pink washing)


DĂ©finition :

Le rainbow washing consiste Ă  utiliser le symbole de l’arc-en-ciel ou Ă  dĂ©peindre une attitude “bienveillante” vis-Ă -vis de la communautĂ© LGBT, sans tenir compte des attentes et revendications des personnes concernĂ©es. Ce soutien superficiel envers cette communautĂ© est un moyen pour l’entreprise d’ĂȘtre perçue comme progressiste, tolĂ©rante et ouverte d’esprit; bien que ces principes ne soient pas appliquĂ©s en interne.

Exemples :

đŸ„Ș L’édition limitĂ©e du sandwich “LGBT” de Mark & Spencer  (pour laitue, guacamole, bacon et tomate, et non ce n’est pas une blague
) dans son emballage arc-en-ciel Ă  l’occasion de la Pride suscite pas mal d’émoi. MalgrĂ© la distribution d’une partie des ventes Ă  des associations, vouloir “honorer le mouvement LGBT avec un sandwich trĂšs spĂ©cial” n’est ni audible, ni crĂ©dible.

🛒 L’arc-en-ciel dĂ©teint sur tout ce qu’on peut trouver au supermarchĂ©: bain de bouche, chips, limonade, bonbon, biĂšre
 Voici 10 exemples de marques qui ont Ă©tĂ© trop loin lors de la derniĂšre cĂ©lĂ©bration prĂ©-Covid de la Pride.

Aller plus loin :

Woke washing


DĂ©finition :

Le woke washing s’assimile au purpose washing dĂ©crit plus haut, Ă  la diffĂ©rence qu’il cible spĂ©cifiquement les cas de washing liĂ© Ă  un â€œĂ©veil aux causes sociales” (traduction de “woke”), Ă  une prise de conscience soudaine. Les mouvements sociĂ©taux rĂ©cents (#MeToo, #BlackLivesMatter, #FridaysForFuture...) sont devenus des opportunitĂ©s de prise de parole pour de nombreuses marques qui, du jour au lendemain, se sont appropriĂ©es ces causes.

ConcrĂštement, le woke washing consiste Ă  se positionner comme une marque qui combat les injustices sociales alors que les actions en interne ne suivent pas les idĂ©es avancĂ©es, voire mĂȘme s’y opposent. Cet engagement peut prendre la forme d’une stratĂ©gie long terme, ou alors d’une action ponctuelle, lors d’une journĂ©e mondiale par exemple.

Exemples :

đŸ„€La marque qui a beaucoup fait parler d’elle en matiĂšre de woke washing, c’est Pepsi. En 2017, elle diffuse un spot publicitaire dans lequel Kendall Jenner joue son rĂŽle de mannequin, mais aussi celui d’une manifestante qui tend une canette de Pepsi Ă  un policier en guise de symbole de paix et d’unitĂ©. Ces images choquent car elles sont Ă  mille lieues des violences policiĂšres que subissent les Afro-amĂ©ricains au quotidien.

đŸ«La marque de chocolat Cardbury a crĂ©Ă© une tablette en Ă©dition limitĂ© Ă  l’occasion de la fĂȘte nationale en Inde. La tablette comprennait un mix de carrĂ©s de chocolat blanc, au lait et noir afin de “cĂ©lĂ©brer la diversitĂ© du peuple indien.”

Aller plus loin :


J’aurais voulu aussi vous parler de social washing (ou blue washing), de size washing, et de toutes les sortes de washing qui – malheureusement – se dĂ©veloppent Ă  mesure que la sociĂ©tĂ© Ă©volue. Cet article est un “travail en cours” qui sera mis Ă  jour en fonction de l’actualitĂ©. Tout comme il y a eu du COVID washing durant le premier confinement, allons-nous voir se dessiner une nouvelle forme de washing liĂ© Ă  la guerre en Ukraine ? Aujourd’hui, les entreprises sont conscientes des risques sur leur rĂ©putation si elles poursuivent leurs activitĂ©s comme si de rien n'Ă©tait en Russie. Nombreuses d’entre-elles – comme Ikea, Nike, Coca-Cola ou Disney – ont dĂ©jĂ  dĂ©cider de s’y retirer. Je n’ai pas encore d’exemple de marque qui aurait profitĂ© du conflit pour redorer son blason, mais je suis convaincue qu’il y aura des faux pas.

Afin d’éviter ces faux pas, si vous travaillez en entreprise ou en agence, voici les points d’attention – basĂ© sur ceux du guide anti-green washing publiĂ© par l’ADEME – Ă  prendre en compte en amont d’une campagne pour communiquer de maniĂšre responsable :

🗣 Le choix des mots

Utilisez un vocabulaire clair, précis et explicite qui permet de comprendre le message sans ambiguïté, sans confusion possible et sans faire appel à une connaissance précise ou des prĂ©requis.

📁 La justesse de l’information

Partagez des donnĂ©es crĂ©dibles et suffisantes afin de permettre au public d’évaluer facilement les gains environnementaux, sociaux et sociétaux obtenus grâce à la démarche. Ces informations doivent permettre de comprendre la nature qualitative et quantitative de la démarche : son ampleur, son actualité, son sérieux, les actions qui la composent, son plan de déploiement dans le temps et l’espace, ses critères d’évaluations, etc .

đŸ•”ïžâ€â™€ïž Les preuves Ă  l’appui

Mettez à disposition toutes les preuves de l’avantage annoncé. Ces preuves doivent ĂȘtre solides et destinĂ©es Ă  durer sur le long terme.

🧼 La bonne proportionnalité

Faites passer un message proportionnel à la réalité. Un message est disproportionné lorsqu’il peut laisser croire qu’une action commerciale ou un produit est plus vertueux (socialement ou Ă©cologiquement) qu’il ne l’est en réalité.

🎹 Les choix visuels :

Utilisez un univers visuel sans ambiguïtĂ©, c’est-à-dire qui ne peut pas laisser croire que le produit/service est plus vertueux qu’il ne l’est en réalité (repensez au pink bucket de KFC !).


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